Emmenés par la France et l'Espagne, premiers bénéficiaires de la PAC, les pays du sud de l'UE et l'Irlande devraient, lors d'un débat public, croiser le fer avec la Commission sur l'idée controversée de Bruxelles de découpler dès 2004 les aides directes aux agriculteurs du niveau de production. Paris est un opposant de toujours à cette idée, dont la mise en oeuvre constituerait une mini-révolution pour la PAC, et Madrid a promis de tout faire pour empêcher le projet d'aboutir. Les deux principales organisations d'agriculteurs européens, le COPA et le COGECA, ont elles aussi critiqué la nouvelle proposition du commissaire européen à l'Agriculture Franz Fischler. La FNSEA, premier syndicat agricole français, a appelé à la "mobilisation générale" contre Bruxelles. A l'opposé, le Royaume-Uni, l'Allemagne et les pays du nord de l'UE soutiennent la Commission, mais certains, à l'instar des écologistes des Amis de la Terre ou de l'ONG britannique Oxfam, regrettent le renvoi à 2007 de la réduction des aides directes au profit du développement rural.
Face à ces divisions, l'objectif de M. Fischler d'aboutir à un accord d'ici juin ne sera pas facile à atteindre. "Nous devrons travailler dur", reconnaît-on de source proche de la présidence grecque de l'UE, en soulignant le "peu de temps" laissé pour la négociation. Franz Fischler avait été forcé de revoir son projet initial de réforme présenté à l'été 2002, suite à la décision du sommet européen de Bruxelles fin octobre de ne pas toucher au budget de la PAC d'ici fin 2006 et de ne plafonner qu'ensuite les aides directes et les mesures de soutien au marché. Le seul changement majeur de sa nouvelle copie porte sur la réduction des aides directes et la réorientation d'une partie d'entre elles vers le financement de programmes de développement rural (modulation). La mise en oeuvre de ces deux points a été reportée de 2004 à 2007. "L'élément clé de la réforme reste le découplage", a souligné cette semaine M. Fischler. Pour chaque exploitant, le commissaire veut fusionner l'an prochain les aides actuellement liées à la production en un "paiement agricole unique" indépendant, avec des plafonds globaux par Etats membres (7,65 milliards d'euros en 2004 pour la France). Selon M. Fischler, ce découplage dissuadera les exploitants "de produire à perte pour recevoir des aides". Il "n'entraînera aucune distorsion des échanges internationaux et ne portera donc aucun préjudice aux pays en développement", permettant à l'UE de "maximiser son capital de négociation" à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). A deux mois du lancement des pourparlers sur la libéralisation du commerce agricole mondial à l'OMC, où les subventions européennes sont régulièrement dénoncées, M. Fischler propose de réduire les aides directes à partir de 2007. La diminution atteindrait 12,5% à 19% en 2013 pour les exploitants touchant plus de 5.000 euros par an. Avec la modulation, 1% serait reversé chaque année aux Etats membres. Le tout serait cumulé pour atteindre 6% en 2012, dégageant 1,48 milliard d'euros de plus pour le développement rural. M. Fischler propose enfin de réduire à partir de 2004 les prix d'intervention à partir desquels l'UE soutient ses agriculteurs en rachetant leurs excédents. Il suggère des baisses de 5% pour les céréales, de 50% pour le riz, et une coupe de 35% en cinq ans pour le beurre. |